Par Lucila Guerrero
« Vaincre l’autisme » ou se vanter d’avoir « vaincu l’autisme », c’est comme dire « vaincre la noirceur (de la peau) » ou se vanter d’avoir « vaincu l’homosexualité ».
Déplorable. Non ?
Si je compare, c’est dans un essai désespéré de me faire comprendre et d’exprimer à quel point ces expressions sont offensantes pour une personne autiste. L’affirmation sous-entendue serait la suivante :
« je veux vaincre ta nature, ton esprit, ta façon d’être »
(ça me dérange, tu n’es pas bon, tu n’es pas beau, je t’aime pas comme tu es)
Pour mon bien-être émotionnel, je m’étais promise de n’en plus parler et d’ignorer toute information qui circule par rapport à ce thème. Mais la tristesse, il faut la faire sortir. Je le dis souvent à mon fils, alors je le fais à mon tour.
Parce que je me sens triste de voir les gens fascinés par cette idée. Pas seulement les parents, mais aussi les médias et ceux qui n’y connaissent rien: maintenant, ils peuvent conseiller le voisin qui a un enfant autiste: « vous savez ? Il y a un remède ».
C’est triste, c’est frustrant, c’est décevant. Pour moi, c’est me sentir plus que jamais l’étrangère. C’est ressentir comme un enfant quand il se plaint et qu’on lui répond sans écouter « arrête ! c’est rien ».
C’est rien nos sentiments ? C’est rien nos paroles ? C’est rien nos opinions ?
Nous sommes en train de travailler depuis des années, dans l’espoir d’apporter un peu de changement. Nous voulons montrer qu’un autiste n’est pas indésirable, qu’il est une personne précieuse comme tout être humain et qu’il a besoin d’adaptations dans son parcours, d’un niveau de soutien selon le cas, des fois beaucoup d’accompagnement, de savoir qu’il peut être bon et surtout qu’il peut être aimé et accepté.
Voir tout ce monde agité par l’idée de guérison représente un coup dans notre estime de soi. Le message est: « vous êtes pas beaux, vous êtes pas bons, on veut vous transformer ». C’est fort. Un cri dans la face de l’autiste qui doit s’encourager à s’attacher à la vie chaque jour parce que chaque jour est un défi. Quand on passe la vie à se sentir venu d’une autre planète, à essayer de se faire accepter. Vous savez ce que c’est ?
Le paradoxe est qu’on veut faire parler l’autiste mais, quand il parle, on ne l’écoute pas vraiment dans son langage.
La blessure va guérir. Mon esprit d’autiste non, heureusement. J’en suis fière. Je suis positive et, malgré le fait que je me sente découragée, je sais que c’est une autre épreuve à surmonter, une autre bataille.
Ma gratitude est grande vers les parents qui nous aiment et qui sont avec nous. Grâce à eux je reprends mes forces plus vite.
Tout mon texte pour dire au monde: arrêtez ! Notre humanité est neurodiverse. C’est un fait. C’est la nature qui nous a fait uniques. Aidons-nous les uns aux autres avec amour, avec respect et sans essayer de normaliser. Acceptons que la neurodiversité est une richesse.
PS.
Je ne crois pas que c’est nécessaire mentionner le nom d’un livre. Je vais vous raconter que je suis la diète depuis plus de six ans. Mes problèmes digestifs ont disparu. Mes problèmes de peau aussi. Mais je suis toujours autiste.
Bien que mon intention aujourd’hui ne soit pas parler d’une diète, je vous recommande, pour compléter, de lire le rapport de l’AFSSA - Agence française pour la sécurité sanitaire http://www.afssa.fr/Documents/NUT-Ra-Autisme.pdf:
« Il n’existe aucun élément indiquant que l’autisme soit associé aux maladies inflammatoires chroniques du tube digestif et sa coexistence avec la maladie cœliaque n’est que fortuite.
Il est également très difficile de défendre la réalité d’une pathologie inflammatoire qui serait spécifiquement associée à l’autisme ou même à un de ses sous-groupes. De plus, la prévalence de l’allergie aux antigènes alimentaires semble comparable à celle de la population générale et les résultats les plus récents ne montrent pas d’altération manifeste de la perméabilité́ intestinale. » (…)« En conclusion, les données scientifiques actuelles ne permettent pas de conclure
à un effet bénéfique du régime sans gluten et sans caséine sur l’évolution de l’autisme.
Il est impossible d’affirmer que ce régime soit dépourvu de conséquence néfaste à court, moyen ou long terme. (…)
Il n’existe donc aucune raison d’encourager le recours à ce type de régime. »
«Les opinions exprimées dans cet article sont celles de l'auteur. Elles ne représentent pas nécessairement les idées de l'ensemble des membres de Aut'Créatifs, ni ne sont une position officielle de l'organisme»
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