Origami : Vecteur d’Intégration sociale
Peut-être connaissez-vous mon intérêt exagéré pour l’origami :
-plier tous les jours depuis 20 ans (depuis 1998) en étudiant son histoire, la connaissance des styles et techniques, obtenir mon propre style dans mes créations, et finalement en avoir fait ma profession.
Celui-ci est un de mes nombreux « intérêts spécifiques ». Ma manière de les gérer est toujours la même :
Un système de classification stricte et un approfondissement dans un esprit « jusqu’au-boutiste ».
Après avoir plié les bases traditionnelles japonaises de 1998 à 2001, j’ai trouvé dans les librairies japonaises de Paris, des livres plus techniques. A cette époque, il a fallu que je connaisse tous les modèles possibles, c’est ainsi que j’ai perfectionné ma bibliothèque mentale de techniques. Je peux affirmer que je connaissais de tête 120 animaux différents en 2003.
C’est lors de ma dernière année de Lycée, vers mes 20 ans (1998), que l’origami est arrivé et dans un premier temps celui-ci m’a permis de retrouver une sérénité car comme le disait Akira Yoshizawa :
« Quand les mains sont occupées, l’esprit est en paix ».
L’origami est avant tout un art solitaire et c’est dans cette solitude nécessaire que je vais pouvoir me retrouver.
C’est avec l’origami que je vais mettre en œuvre une manière différente d’aborder l’autre en l’utilisant comme vecteur d’intégration sociale, en écartant le regard de ma personne vers l’intérêt. Ainsi, je vais pouvoir l’utiliser pour m’insérer, par le geste mais tout en restant discret derrière le bouclier qu’est la feuille de papier.
L’origami a cet avantage qu’il est un art visuel que l’on peut montrer aisément, il surprend et capte l’attention. Cela m’a permis de rester dans un « cadre » connu et sécurisant et une manière possible de se faire remarquer de façon positive au sein de la société.
A 25 ans, je prends connaissance de l’existence d’une association, le Mouvement Français des Plieurs de Papier. J’entreprends d’en faire parti mais je ne saurais dire si cela faisait parti de l’aspect « jusqu’au-boutiste » du domaine concerné ou un réel intérêt de rencontrer d’autres pratiquants.
Mon premier contact visuel avec le MFPP a été désastreux, leurs réactions a été terrible pour moi. Je n’étais pas prêt à être enfermer dans un local au milieu d’un rassemblement de plieurs, la quantité d’information « social » était trop importantes agrémentée d’un niveau sonore élevé. Je n’y suis resté que peu de temps.
Puis la recherche d’un cadre de vie « normale » a fait son chemin, vie de couple et travail ont prit le dessus un temps.
Suite à une rupture difficile en 2009, Je me suis replongé dans l’origami, avec cette fois ci la possibilité d’échanger sur le sujet en étant réellement invisible : Internet. Les réseaux sociaux m’ont permis d’intégrer une communauté, d’échanger sur un sujet de prédilection et ne plus monologuer comme une échappatoire à ma différence.
Paradoxalement les difficultés à se retrouver au sein d’un groupe et communiquer n’en retirent pas moins l’envie d’accéder à une vie sociale et en ce sens, internet a ses limites.
C’est par le biais des réseaux sociaux que j’ai pu reprendre contact avec des adhérents du MFPP et que j’ai réintégré l’association en mai 2012.
Faire parti d’une association c’est faire parti d’un tout, être un membre d’une communauté et participer à la vie de celle-ci sans obligation car l’on peut à tout moment être un membre invisible tel les réseaux sociaux.
Je ne saurais dire si je me suis investit dans l’art de l’origami car celui-ci m’a permis, plus qu’autre chose, de m’insérer dans un contexte social mais j’ai l’assurance que la création de mes modèles m’a permis d’aller vers les autres. Une œuvre origami que l’on vient de créer ne vit que si elle est vue, et j’avais éprouvé un certain plaisir à montrer mon travail lors de mes expositions. Cela allait donc de soit que je participe aux conventions pour y montrer mon travail comme une façon de participer à la vie de l’association.
Etre soi-même :
J’ai été licencié le mercredi 09 octobre 2013, après 11 années dans mon entreprise.
Début 2014, je ne me vois absolument plus en capacité de retourner dans le monde du travail avec ces codes, ses aberrations, son désordre.
Je décide de devenir artiste professionnel Origami, une voie toute tracée pour une personne qui a toutes les difficultés du monde à travailler avec les autres. Dans cette voie solitaire, je vais pouvoir maîtriser le cadre professionnel à ma guise, au sein d’un système ordonné, clarifié : le mien.
Rapidement j’entrevois comment mettre en place des cours de manière pédagogique, méthodique, il ne peut en être autrement. Chaque cours est étudié au préalable, préparé sur le papier et testé à l’oral, en temps réel, pour éviter tout faux-pas qui pourrait me faire perdre le contrôle parce que, dès lors, je vais me mettre en avant face à une assistance.
Etre artiste professionnel implique bien évidemment beaucoup de temps pour soi et j’ai mis ce temps à profit en créant énormément. Les 2 à 3 premières années, j’ai créé pratiquement 2 pièces par mois.
Mon style se perfectionnait en même temps que mes techniques s’approfondissaient et il me semblait ne plus avoir de limite dans ce que je pouvais réaliser, jusqu’ à décider en novembre 2015 de plier au hasard, sans réflexion préalable et ainsi défier ma synesthésie, afin d’obtenir des pièces tout aussi complexes dans le mélange de style que j’affectionne. Même en pliant sans réflexion préalable, chacun de mes premiers jets à toujours été à la hauteur de mes attentes.
Mes besoins de repères ont été un des points forts au départ avec l’origami traditionnel, rigoureux dans la méthode.
Après tant d’année où j’ai réussi à m’écarter de cette rigueur dans ce domaine précis, on pourrait poser la question d’une possible adaptabilité/évolution du comportement dans le temps grâce à l’intérêt spécifique ?
La création en Origami m’a apporté un certain détachement sur la notion d’espace, d’ordre dans l’espace.
En cassant la rigueur des plis par le pli courbe et le modelage, je crois que j’ai pu prendre du recul sur le « chaque chose à sa place » et tout ce qui en fait parti comme l’archivage systématique.
Maitrise technique : origami angulaire classique, composée et modulaire, corrugation, tesselation, box-pleating,
Crumpling , wet-folding. (Une seule feuille sans découpage ni collage !)
Connaissance historique, mathématiques (fractales, algorithmes), géométrique (division d’angles, de segments, symétrie/asymétrie …) et philosophique (rapport à l’univers, à l’homme).
Création de mes propres modèles, expositions à l’internationale.
Ai écrit de nombreuses articles (d’ordre technique, philosophique, retour d’expérience) publiés par les magazines spécialisées.
Invité d’honneur aux conventions origami internationales.
Ai publié un ouvrage sur mes créations 2014/2015, création d’un univers : la faune de la planète Zorg.
Toucher les papiers me procure un plaisir, c’est un contact privilégié pour moi, une agréable sensation.
En fonction du type de papier, d’autant plus s’il est fait main, comme le lokta du Népal ou l’unryu de Thaïlande, le bambou kozo 90 g de Corée, quand au washi japonais, il est tellement varié en sensations que j’en ai des échantillons que je ne plie pas mais conserve dans une mallette spécifique pour le contact.
Je suis tellement immergé dans l’activité que je ne suis plus distrait par ce qui m’entoure, ni les pensées et les émotions, comme si le temps était suspendu. (C’est une des raisons premières pour lesquelles j’ai plié quand j’étais entouré)
Mon surnom dans la communauté origami n’a pas été choisi au hasard du fait de ma démesure à l’ ouvrage, et du fait que j’ai toujours pris conscience d’être différent : « Le Plieur Fou » …
La création : je ne calcule pas, je vois le résultat !
Ensuite vient la conception, qui se déploie dans un espace tridimensionnel, en une architecture logique.
Je visualise le pliage comme un chemin à parcourir : le schéma se déroule devant mes yeux comme une évidence, le chemin est constitué des plis « vallées » et des plis « montagnes » et le contour du chemin est l’architecture des formes qui constitueront les différentes parties du modèle final.
Eric VIGIER, Le plieur fou
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