Coralie Adato. Stephan Blackburn. Iman Chaïr. Valérie Cloutier-Cadieux. Luka Cruz-Guerrero. Marie De Lannoy. Mathieu Giroux. Lucila Guerrero. Murielle Kirkove. Sandrine Lebrun. Maxime Lefrançois. Mady Art. Antoine Ouellette. Valérie Picotte. Élise Pilote. Pipoye. Eric Vigier.
« Et si nous pouvions faire différemment ? » C’est le défi lancé par ce livre écrit par des personnes autistes. Au moyen de diverses formes d’expression, elles proposent ici de réfléchir à la richesse de la personne autiste en tant qu’être humain. Elles invitent à regarder en premier les forces de chacune, afin de favoriser le dialogue vers l’acceptation et la reconnaissance positive de la condition autistique.
Puisque dans toute relation humaine l’écoute est primordiale, cette prise de parole voudrait créer des ponts et enlever des barrières. Du coup, elle désire contribuer à la diminution de la stigmatisation et des préjugés, souvent à l’origine de réalités telles que l’isolement social et la discrimination.
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Le 21 août 2019, le Dr Laurent Mottron et quatre co-chercheurs publiaient une méta-analyse1 concluant qu’au fil du temps, la différence entre les personnes ayant un diagnostic d’autisme et les personnes n’en ayant pas était devenue de moins en moins marquée. De plus en plus de personnes autistes ressembleraient de plus en plus aux personnes non-autistes. Cette étude avait créé une véritable onde de choc. Le 28 février 2020, Josef Schovanec allait dans le même sens dans une entrevue publiée sur Handicap.fr2. En conséquence, des gens ont lancé une sorte de « chasse aux faux autistes ».
Cela a causé beaucoup de désarroi. Dans ce contexte, Aut’Créatifs a tenté de répondre à des questionnements. Aut’Créatifs a aussi dû intervenir auprès de ses membres, car certains commençaient à douter d’être un « vrai autiste », une « vraie autiste ». Aut’Créatifs a dû redire que pour être membre, il faut avoir obtenu un diagnostic d’autisme posé par un professionnel autorisé et qu’autrement, il ne nous appartenait pas de dire si telle personne est ou non véritablement autiste. Il n’appartient pas davantage à Aut’Créatifs de juger publiquement de la compétence ou de la complaisance de tel ou tel spécialiste autorisé à poser un diagnostic. Nous pouvons discuter des idées circulant au sujet de l’autisme, mais le reste est la compétence d’ordres professionnels.
Par ailleurs, une autre tendance veut que le nombre de personnes autistes, loin d’être surestimé, soit au contraire largement sous-estimé. Les résultats d’une gigantesque étude menée en Corée publiés en 2011 indiquent que, sur la base des tests standards, près de 3 % de la population pourrait être diagnostiqué autiste3. Il y aurait presque autant d’autistes non diagnostiqués que d’autistes qui le sont!
Dès sa création, Aut’Créatifs s’est opposé à la description médicale de l’autisme proposée, ou imposée, par le DSM et qui a été reprise par d’autres classifications telle la CIM (Classification internationale des maladies). Par exemple, Aut’Créatifs a rédigé un Tableau terminologique en autisme qui ne reprend ni ne recommande les termes et concepts du DSM4.
Pour résumer, le DSM donne de l’autisme une définition strictement comportementale. Qui répond aux critères de l’autisme ? Un ensemble hétérogène de personnes présentant plus ou moins certains traits comportementaux et selon trois « niveaux », cela sans la moindre considération pour la ou les causes de ces comportements. Or, aucun de ces traits comportementaux n’est exclusif ou spécifique à l’autisme. Aucun, insistons-nous. Scientifiquement parlant, cette définition est molle, c’est-à-dire qu’elle « n’est pas objectivement quantifiable avec exactitude »5. Les critères de l’autisme et les tests de diagnostic héritent de cette mollesse. Comme on ne peut en connaître ni la fiabilité ni la marge d’erreur, une part significative est laissée à l’interprétation de qui fait passer l’évaluation. Une même personne peut alors recevoir un diagnostic d’autisme auprès de tel professionnel, mais ne pas le recevoir de tel autre professionnel. De plus, le fait qu’il existe des écoles de pensée divergentes au sujet de l’autisme chez les professionnels ne favorise guère la clarté pour qui reçoit ce diagnostic et désire mieux le comprendre.
Il est su que sur la base des critères et des tests officiels, des personnes ayant de nombreuses conditions autres que l’autisme reçoivent néanmoins un diagnostic d’autisme. Pourtant, des tests génétiques existent qui pourraient diagnostiquer bon nombre de ces autres conditions. Pourquoi est-ce ainsi? Par erreur; par refus de mener la démarche jusqu’au bout; pour économiser de l’argent (ces tests ayant un coût); parce qu’un diagnostic d’autisme ouvre la porte, lui, aux services dont la personne et sa famille ont vraiment besoin6, etc.
Pour cette raison, Aut’Créatifs recommande que les services aux personnes doivent être offerts sur la base des besoins réels et concrets que manifeste la personne, plutôt que sur la base d’un simple diagnostic qui est réduit à une case à remplir, ou à cocher, sur un formulaire…
Aut’Créatifs déplore que l’autisme devienne peu à peu une coquille vide, un mot ne signifiant plus rien. Des gens parlent d’autisme, mais sans parler de la même chose! Les victimes de ce marasme sont très nombreuses, alors que perdurent de la stigmatisation et de l’exclusion. C’est comme si la connaissance fine de l’autisme n’avait pas évoluée depuis plusieurs années ou que, pire encore, l’autisme était devenu une sorte d’auberge espagnole. Or il est impossible de faire de la recherche en autisme sans une définition rigoureuse de l’autisme.
Bien malgré lui, Aut’Créatifs se retrouve entre deux chaises. D’un côté, nous devons exiger une « preuve d’autisme » de la part de qui désire devenir membre; d’un autre côté, nous sommes conscients des failles importantes de la définition de l’autisme et des critères actuels, cela alors que nous militons pour une reconnaissance positive de l’autisme. Mais qu’y pouvons-nous? Légalement, seuls les spécialistes dûment autorisés à le faire peuvent poser un diagnostic d’autisme. À travers leur pratique clinique et les outils qu’ils développent, les spécialistes définissent l’autisme.
C’est pourquoi nous nous adressons aux spécialistes de l’autisme. Nous faisons appel à leur sens des responsabilités. Spécialistes et cliniciens, nous vous exhortons à vous entendre enfin entre vous! À vous entendre… :
Il serait temps de rendre des comptes. Nous comprenons mal qu’avec les sommes colossales d’argent consacrées depuis si longtemps à la recherche en autisme, nous devions faire de telles réclamations. La rengaine du « on y travaille » ne suffit plus.
Sur une définition rigoureuse de ce qu’est l’autisme – une définition considérant la/les cause(s) et qui aille au-delà des seuls comportements;
Sur des critères plus précis, spécifiques et stricts de l’autisme — des critères qui aussi excluent des conditions autres;
Sur la confection de tests plus précis, spécifiques et stricts — des tests qui, à leur tour, excluent des conditions autres.
Pour le conseil d’administration d’Aut’Créatifs
Mathieu Giroux
Lucila Guerrero
Lucie Latour
Antoine Ouellette
1Rødgaard E, Jensen K, Vergnes J, Soulières I, Mottron L. Temporal Changes in Effect Sizes of Studies Comparing Individuals With and Without Autism: A Meta-analysis. JAMA Psychiatry. 2019;76(11):1124–1132. doi:10.1001/jamapsychiatry.2019.1956
Autisme et pesticides - Aut’Créatifs, 9 septembre 2019. English Translation by Emily Gray.
Autism and pesticides: a misuse of scientific rigour
On September 9, 2019, Autisme Montreal, the David Suzuki Foundation and l’Alliance pour l’interdiction des pesticides systématiques published what they referred to as a “literature review” with the title, “Alarming increase in the prevalence of autism: Should we worry about pesticides?” This report states that pesticides have an impact on the prevalence of autism.
Very disappointed, deeply concerned
We are strongly disappointed that the David Suzuki Foundation is associated with ideas that risk tarnishing its credibility. Because since its publication, this report is under criticism of eminent scientists, such as M. Sébastien Sauvé, professor of environmental chemistry at University of Montreal, and Dr. Éric Fombonne, internationally renowned child psychiatrist and epidemiologist to whom we owe the redaction of the research associating autism with the MMR vaccine in the prestigious scientific journal the Lancet.
A serious study, this time issuing from a veritable and renowned chair of university research and appearing in Jama psychiatry (psychiatry’s most prestigious journal,) just recently demonstrated that the rise in the number of autism diagnoses is connected for the most part to the fact that the diagnostic criteria are being interpreted more and more liberally and lightly. In other words, the autism diagnosis was given to a growing number of people who are less and less different that the non-autistic population. That has evidently absolutely nothing to do with pesticides!
Autism Montreal’s usual catchphrase
Autism Montreal having apparently furnished the studies underlying this publication, it should not be surprising that all of this is, “as though by chance,” in favour of the idées-fixes (rigid opinions) that AM has been spreading for a number of years about autism. These idées-fixes can be summarized here: Nobody is born autistic; A person becomes autistic by being poisoned by “toxins” (vague term comprising sugar, corn, colouring, yeast, pesticides, and even more); These said toxins cause “oxydative stress” and “mitrochondrial problems” resulting in autism.
These are what we politely call “alternative facts”, that not only deny a genetic basis to autism, but that have also never been validated by the scientific community. Note that by the way, fixations and “special interests” are really not exclusive to autistic people!
From the beginning, the joint report three organisms was biased in favour of “controversial” theories another “polite” term, of Autism Montreal, whose pseudoscientific jargon is found in its pages. In this regard, it must be known that Autism Montreal is not at all a research chair in autism, but essentially a group of parents offering various services to autistic people and their families.
Major methodological gaps
Let’s go a bit deeper. The joint report talks about a “literature review.” However, by reading the methodology, it’s clearly specified that this analysis is not a meta-analysis and isn’t exhaustive of the scientific literature on the subject. It is also stated that the research tool used was Google Scholar. Therefore, multiple studies on the subject may have been omitted given the poor methodology.
The report affirms that pesticides cause autism. However, in the methodology, it’s written: “exploring if the correlations imply equally a causation.” Therefore, contrary to their conclusion, the authors affirm that they have no proof whatsoever that pesticides cause autism. The studies show only a correlation between autism and pesticides, that is to say, in our society, there is an increase in both pesticide use and autism prevalence. However, making these correlations between two variables is very simplistic. For example, a linear correlation exists between a fall in the number of divorces and a fall in margarine consumption, between Miss America’s age and the number of murders, or between the risk of death by falling down stairs and the purchase of an iPhone. In other words, almost anything can be connected to anything else. The use of a simple correlation to show a causality link is a major error in statistics and also in methodological, scientific, and ethical rigour.
The report claims that it was based on 158 studies. However, according to annex 3, they actually only used 6 different studies, and these studies in no way assert that there is a causal link between pesticides and autism. Its authors only observed that the two variables are rising throughout time. As mentioned, this is in no way proof of a cause-and-effect link. Added to this is the fact that some data is not independent and that evaluations for diagnoses are not always based on recognized protocols. Finally, this research used no control group, which is nevertheless an essential criterion in scientific research to be able to prove a cause-and-effect relationship.
In short, the fundamentals upon which this report is based are weak, questionable, and biased.
Poisons
The fact remains that pesticides are indeed dangerous substances. They are poisonous to plants, animals, even for farm workers and the environment in general. This industry is far from being known for its good sense of ethics?. In Quebec, whistle-blower agronomist Louis Robert revealed in 2018 that agronomists, including state-employed agronomists, were receiving industry bonuses to incite farmers to buy large amounts of their products, including atrazine, a pesticide banned in Europe since 2004 due to its high toxicity. Some members of Aut’Creatifs are firm supporters of banning them altogether. However, it is not Aut’Creatifs’ mandate to take an official position on the subject.
That pesticides can cause neurological problems, and that some of these problems might be mistakenly equated with autism, all of that is possible. But that does not mean that that there is a cause-and-effect link between pesticides and autism. The joint report does not show any serious indication to that effect.
We therefore denounce what is another “fake news” item by which autistic people have been exploited for political and promotional purposes. We also want to disassociate ourselves from the alarmist discourse about autism contained in this report: ”alarming rise,” “deficits,” “undesirable problem,” etc. This kind of language stigmatizes autistic people and greatly harms their development and fulfillment. That, too, is a poison.
Autisme
et pesticides : un détournement de la rigueur scientifique
Le
5 septembre 2019, Autisme Montréal, la fondation David Suzuki et
l’Alliance pour l’interdiction des pesticides systématiques
publiaient ce qu’ils appellent une revue
de la littérature
ayant pour titre « Hausse inquiétante de la prévalence de
l’autisme : Devrions-nous nous inquiéter des pesticides? »1.
Ce rapport affirme que les pesticides ont un impact sur la prévalence
de l’autisme.
Nous
regrettons vivement que la Fondation David Suzuki se soit ainsi
associée à des propos risquant de ternir sa crédibilité. Car dès
sa publication, ce rapport subissait la critique d’éminents
scientifiques, tels M. Sébastien Sauvé2,
professeur de chimie environnementale à l’Université de Montréal
et le Dr Éric Fombonne3,
pédopsychiatre et épidémiologiste de renommée internationale à
qui l’on doit le retrait de la recherche associant l’autisme et
le vaccin ROR dans la prestigieuse revue The
Lancet.
Une étude sérieuse4, cette fois issue d’une véritable et renommée chaire de recherche universitaire et parue dans Jama psychiatry la revue la plus prestigieuse en psychiatrie, a tout récemment démontré que l’augmentation du nombre de diagnostics d’autisme est liée pour une bonne part au fait que les critères du diagnostic sont interprétés d’une manière de plus en plus libérale et légère. Autrement dit, le diagnostic a été donné à un nombre croissant de personnes qui sont de moins en moins différentes de la population non-autiste. Cela n’a évidemment absolument rien à voir avec les pesticides!
L’habituelle
rengaine d’Autisme Montréal
Autisme
Montréal ayant apparemment fourni les études à la base de cette
publication, il ne faut pas s’étonner que tout cela aille, «comme
par hasard», en faveur des idées-fixes qu’Autisme Montréal
diffuse depuis de nombreuses années au sujet de l’autisme. Ces
idées-fixes peuvent être résumées ainsi : Personne ne nait
autiste; quelqu’un devient autiste en ayant été intoxiqué par
des «toxines» (mot vague regroupant sucre, maïs, colorant, levure,
pesticides et d’autres encore); ces dites toxines causent du
«stress oxydatif» et des «troubles mitochondriaux» résultant en
autisme5,
6.
Ce
sont-là ce que l’on appelle poliment des «faits alternatifs»
qui, en plus de nier une base génétique de l’autisme, n’ont
jamais été validés par la communauté scientifique. Notons en
passant que les idées-fixes et les «intérêts spécifiques» ne
sont vraiment pas exclusifs aux personnes autistes!
Dès
le départ, le rapport conjoint des trois organismes se trouvait
biaisé en faveur des thèses «controversées», autre terme poli,
d’Autisme Montréal dont le jargon pseudoscientifique se retrouve
dans ses pages. À ce sujet, il faut savoir qu’Autisme Montréal
n’est pas du tout une chaire de recherche en autisme, mais
essentiellement un regroupement de parents offrant divers services
auprès de personnes autistes et de leur famille.
Des
lacunes méthodologiques majeures
Allons
un peu plus loin. Le rapport conjoint parle d’une «revue de la
littérature». Or, en lisant la méthodologie7,
il est clairement spécifié que cette analyse n’est pas une
méta-analyse et n’est pas exhaustive de la littérature
scientifique sur le sujet. On dit aussi que l’outil de recherche
utilisé fut Google Scholar. Ainsi, plusieurs recherches sur le sujet
peuvent avoir été omises étant donné la faible méthodologie.
Le
rapport affirme que les pesticides causent l’autisme. Or, dans la
méthodologie, il est inscrit « […] explorer si les
corrélations impliquent également une causalité. »8.
Ainsi, contrairement à leur conclusion, les auteurs affirment
clairement qu’ils n’ont aucune preuve que les pesticides causent
l’autisme. Les études démontrent seulement une corrélation entre
l’autisme et les pesticides, c’est-à-dire que dans notre
société, il y a augmentation à la fois de l’utilisation de
pesticide et de la prévalence de l’autisme. Or, faire de telles
corrélations entre deux variables est très simpliste. Par exemple,
une corrélation linéaire existe entre la diminution du nombre de
divorce et la diminution de la consommation de margarine, entre l’âge
de Miss America et le nombre de meurtre, ou entre le risque de mourir
en tombant dans un escalier et l’achat d’un Iphone9.
Autrement dit, à peu près n’importe quoi peut être relié à
n’importe quoi. L’utilisation d’une simple corrélation pour
exprimer un lien de causalité est une erreur majeure au niveau
statistique et dans la rigueur méthodologique, scientifique et
éthique.
Le
rapport affirme être basé sur 158 recherches10.
Or, selon l’annexe 311,
ils n’ont en fait utilisé que 6 recherches différentes, et ces
recherches n’affirment aucunement qu’il existe un lien de cause à
effet entre les pesticides et l’autisme. Leurs auteurs observent
seulement que les deux variables sont en augmentation dans le temps.
Tel que mentionné, cela n’est aucunement la preuve d’un lien de
cause à effet. À cela s’ajoute le fait que certaines données ne
sont pas indépendantes et que les évaluations pour les diagnostics
ne se basent pas toujours sur des protocoles reconnus. Finalement,
ces recherches n’utilisaient aucun groupe de contrôle, ce qui est
pourtant un critère primordial au niveau de la recherche
scientifique afin de pouvoir affirmer qu’il existe un lien de cause
à effet.
Bref,
les fondements sur lesquels s’appuie ce rapport sont maigres, très
discutables et biaisés.
Des
poisons
Il
reste que les pesticides sont des substances dangereuses. Ce sont des
poisons pour la flore, la faune, même pour les travailleurs
agricoles et l’environnement en général. Cette industrie est loin
de se distinguer par son sens éthique. Au Québec, l’agronome
lanceur d’alerte Louis Robert avait révélé en 2018 que des
agronomes, y compris de l’État, recevaient des primes de
l’industrie afin d’inciter des agriculteurs à acheter de grandes
quantités de leurs produits, incluant l’atrazine, un pesticide
interdit en Europe depuis 2004 à cause de sa toxicité12.
Certains membres d’Aut’Créatifs sont partisans fermes de leur
bannissement complet. Il n’est cependant pas du mandat
d’Aut’Créatifs de prendre une position officielle sur ce sujet.
Que
des pesticides puissent causer des troubles neurologiques, que
certains de ces troubles soient erronément assimilés à de
l’autisme, tout cela est possible. Mais cela ne signifie pas qu’il
y ait un lien de cause à effet entre pesticides et autisme. Le
rapport conjoint n’offre aucune indication sérieuse à cet effet.
Nous dénonçons donc ce qui est une autre «fake news» par laquelle les personnes autistes ont été instrumentalisées à des fins politiques et promotionnelles. Nous tenons aussi à nous dissocier du discours alarmiste au sujet de l’autisme que contient ce rapport : «hausse inquiétante», «déficits», «trouble indésirable», etc. Ce type de discours stigmatise les personnes autistes et nuit considérablement à leur épanouissement. C’est, lui aussi, un poison.
4
Rødgaard
E, Jensen K, Vergnes J, Soulières I, Mottron L. Temporal Changes in
Effect Sizes of Studies Comparing Individuals With and Without
Autism: A
Meta-analysis. JAMA
Psychiatry. Published
online August 21, 2019. doi:10.1001/jamapsychiatry.2019.1956
30
juillet 2019
Communiqué
officiel
Pour
diffusion immédiate
AUTISME :
VERS LA SOLUTION FINALE
À
la fin juillet dernier, une équipe médicale des États-Unis
annonçait avoir créé un test de dépistage prénatal de
l’autisme1.
Pour le moment, ce test n’est ni approuvé ni commercialisé, mais
les chances sont qu’il le soit dans un avenir proche. Nous nous
approchons donc de la solution finale en autisme, à savoir
l’élimination physique à la source de personnes considérées
comme tarées.
Ce
type de test prénatal existe déjà pour la trisomie. Les résultats
ne se sont pas fait attendre. Par exemple, en France où ce test est
obligatoirement proposé aux femmes enceintes, un résultat positif
est suivi de l’avortement dans 96% des cas2.
Le Québec a emboîté le pas, malgré un taux élevé de faux
positifs, surtout lorsqu’un seul prélèvement est fait3.
Car ces tests ne sont que probabilistes : ils donnent en
pourcentage la probabilité que l’enfant à naître soit trisomique
ou autiste sans pouvoir affirmer hors de tout doute s’il le sera ou
non. En cas de positif, le médecin ne recommande évidemment pas
directement l’avortement : il laisse les parents devant un
dilemme moral effrayant.
Le
scénario se reproduira à n’en pas douter avec un tel test pour
l’autisme. Aut’Créatifs souhaite donc que ce test ne soit ni
approuvé ni commercialisé, car il constitue une énorme dérive
éthique.
Dès
son Manifeste publié en 2013, Aut’Créatifs s’est fermement
opposé à toute recherche et à toute politique allant en cette
direction. Nous n’étions toutefois pas naïfs au point de croire
que cette recherche ne se faisait pas et que, si elle aboutissait un
jour, les États résisteraient à aller en ce sens.
Mais
ce qui n’était qu’une simple éventualité en 2013 est sur le
point de devenir une réalité ouvrant directement la porte à des
politiques eugénistes contre les personnes autistes. Aut’Créatifs
est donc dans l’obligation de réitérer sa position.
Les
personnes autistes sont des personnes humaines à part entière.
Elles ont donc les mêmes droits que toute personne, à commencer par
le droit à la vie et à une vie à tout le moins décente. C’est
nier ce droit fondamental que de discriminer les autistes avant même
la naissance et de suggérer leur élimination physique.
Mais
nous allons plus loin.
De
nombreuses personnes autistes contribuent dans toutes les sphères de
la société, depuis les arts jusqu’aux sciences, en passant par le
sport professionnel ou l’engagement humanitaire, que ce soit à
titre de salariées, de travailleuses autonomes ou de bénévoles. La
liste est longue de personnalités marquantes de l’histoire qui
présentaient à tout le moins de véritables traits autistiques.
Qui
donc est alors en droit de dire que notre vie ne vaut pas d’être
vécue? Qui donc est en droit d’affirmer sa supériorité sur nous
jusqu’à l’eugénisme? C’est précisément ce que dit ce test
et la perspective qu’il ouvre directement : les autistes ne
valent pas de vivre, les neurotypiques sont supérieurs par nature.
Inévitablement,
ce test sabotera tout lien de confiance entre autistes et
neurotypiques, puisque le groupe majoritaire aurait désormais le
pouvoir et les outils pour exterminer le groupe minoritaire à la
source. Comment alors les autistes pourront-ils faire confiance?
Assurément,
des autistes se feront dire par des gens à l’esprit perverti :
«Toi, ta mère aurait dû passer ce test et se faire avorter!», des
propos qui s’ajouteront aux «Débile mental!», «Taré!»,
«Ortho!» et autres qu’ils se font déjà servir. Quel avenir pour
eux, lorsque l’on sait maintenant que la supposée «anxiété
comorbide» de l’autisme est plus souvent qu’autrement liée à
des traumatismes d’exclusion, de harcèlement, d’abus physiques
et sexuels, d’intimidation scolaire et autres choses du genre4?
5
Quelle
sera la place que pourront prendre les personnes autistes dans la
société, alors que leur condition passe pour justifier dépistage
prénatal et avortement?
Une
fois engagés dans cette dérive, jusqu’où ira-t-on?
Interdira-t-on, par exemple, aux personnes autistes d’avoir des
enfants?
D’une
manière plus générale, est-ce ainsi que nos sociétés désirent
gérer le droit à la différence? Tous ces beaux discours sur
l’acceptation de l’Autre et les beautés des différences ne
sont-ils que foutaises hypocrites?
Finalement,
après les trisomiques et les autistes, quel sera le prochain groupe
à être directement visé par des mesures d’extermination?
*
* *
Comment
irait le monde sans les autistes?
La
Suédoise Greta Thunberg, aujourd’hui âgée de 16 ans, est devenue
la militante contre les bouleversements climatiques la plus
médiatisée depuis Al Gore6.
Elle est autiste, mais son combat n’est pas l’autisme. Greta
Thunberg est une citoyenne engagée. Comme elle le dit dans ses
discours très articulés, elle aimerait ne pas avoir besoin d’agir
puisque les informations scientifiques sont disponibles à tous et
qu’adultes comme gouvernements peuvent aussi se mobiliser. Grâce
au fait d’être Asperger, elle conserve le focus et va directement
au cœur du problème : dans l’état actuel des choses, les
États se contentent de palabres luxueuses, de cibles très
en-dessous de ce qu’exige le défi du climat et que la
quasi-totalité de ces États ne seront même pas capables
d’atteindre (pas même en truquant les chiffres!), d’ententes non
contraignantes qui octroient le droit à certains États hautement
pollueurs de poursuivre ainsi (comme si le climat respectait nos
frontières), de «politiques réalistes» (euphémisme prisé
notamment au Canada pour continuer à appuyer massivement
l’exploitation d’énergies fossiles), de myopie faisant passer la
prochaine échéance électorale avant toute autre considération,
etc., quand ils ne se désengagent carrément pas comme les
États-Unis; cela alors même que les années records de chaleur au
niveau mondial se succèdent impitoyablement, que des pays comme la
France sont aux prises avec la sécheresse au point de songer à
rationner l’eau potable. Bref, de l’inaction chronique face à un
défi pourtant urgent, et Greta Thunberg ne s’en laisse pas conter.
Avec raison.
Elle
reçoit des appuis, mais aussi un flot de bêtises et de méchancetés
qui n’ont souvent aucun rapport. On critique son jeune âge, le
fait qu’elle ait délaissée l’école (et que, pour cette raison,
«elle mérite la fessée»), son apparence physique, son autisme.
Cette boue vient de tous les côtés : d’une part, un
philosophe égaré la traite publiquement de cyborg sans émotion
alors que c’est justement le sentiment d’urgence qui l’anime,
donc la passion, et d’autre part un chroniqueur lui reproche de ne
pas être une scientifique! Mais justement, qui donc a écouté les
scientifiques qui tirent en vain la sonnette d’alarme depuis plus
de trente ans?! Ces critiques ne semblent pas entamer sa
détermination pour le moins du monde : quand une personne
autiste est convaincue de la justesse d’une cause, ce qui est le
cas ici, il en faudra beaucoup pour la «ramener dans le rang».
Aut’Créatifs
tient donc à souligner fortement l’engagement de Greta Thunberg.
Nous invitons les personnes autistes à continuer de participer aux
débats de nos sociétés, à leur apporter une autre couleur. C’est
ce que nous disions : les personnes autistes sont des personnes
humaines à part entière, y compris comme membres de la communauté.
Et nous invitons vraiment tous les non-autistes à réaliser que
c’est bel et bien ce que nous sommes. Pas des cyborgs sans émotion,
pas des «débiles mentaux», pas des «problèmes de santé
publique», pas des tarés à exterminer. Mais des personnes humaines
dont la vie vaut d’être vécue et qui a la même dignité que
celle de quiconque.
Les connaissances sur l’autisme sont en pleine évolution. Malgré cela, une grande partie de la population ignore encore ce que signifie réellement être autiste, et les idées inexactes provenant de mythes populaires sont très répandues. Comme conséquence de cette désinformation, la terminologie qui fait référence à la condition autistique et aux personnes autistes est très variable. Souvent, elle prend une forme respectueuse, mais, sous d’autres formes, elle peut être dévalorisante.
Ce document se veut un guide s’adressant à toute personne qui travaille dans le domaine des communications. Selon les principes de la non-discrimination et du droit à une information juste, l’utilisation d’un langage adéquat est à recommander.
Ces propositions ont reçu l’appui du Docteur Laurent Mottron. Nous le remercions de son soutien.
Dr Laurent Mottron,M.D., Ph.D., DEA, est chercheur à l’Hôpital Rivières-des-Prairies et au Centre de recherche de l’Institut universitaire en santé mentale de Montréal, et professeur titulaire au Département de psychiatrie de l’Université de Montréal. Il se spécialise dans la recherche sur l’autisme.
- Trouble, maladie, affection, pathologie - Trouble du spectre autistique (TSA) - Anormal/normal - Trouble envahissant du développement - Désordre, déficience neurologique
À propos de la personne
- Autiste - Personne autiste - Personne de nature (ou à l’esprit) autistique - S’identifier en tant qu’autiste/être autiste - Décrire les capacités, talents et aptitudes de la personne; en contexte : personne autonome/non autonome
À propos de la personne
- Personne atteinte d’autisme/souffrant d’autisme - Personne avec autisme/en situation d’autisme - Personne avec TSA/personne TSA/un(e) TSA - Admettre/avouer être autiste - Autiste de haut/de bas niveau (de fonctionnement)
Description
- Condition - Caractéristique, particularité, trait - Neurologie et sensibilités sensorielles différentes - Différence - Intérêt particulier, intelligence focalisée, passion - Rituels, gestes - Apprentissage non conventionnel - Sens de l’humour propre à sa structure de pensée - Variante du ressenti et de l’expression de l’empathie - Fonctionnement autistique
Description
- Trouble - Déficience, incapacité, déficit - Lésions - Anomalie - Obsession, intérêts restreints - Tics, manies - Résistance aux méthodes d’enseignement - Ne sourit pas/n’a pas le sens de l’humour - Manque d’empathie - Fonctionnement anormal
Pour contribuer à briser les mythes, voici quelques pistes utiles :
- Éviter de généraliser. Faire référence à la diversité des personnes autistes et à la neurodiversité humaine.
- Éviter d’utiliser le mot « autiste » pour décrire les attitudes publiques de manque de communication, ou comme un adjectif dont le but est la critique négative ou l’insulte.
Par exemple : « L’autisme des journalistes de Radio Canada », Dreuz Info, 16 novembre 2014
- Éviter de faire des comparaisons du type « Rain Man » et d’exagérer l’intelligence et les talents des autistes.
- Éviter de décrire la personne autiste comme étant plongée dans un isolement volontaire.
- Éviter de culpabiliser les parents, la société ou l’environnement.
- Éviter de parler de l’autisme comme d’une épidémie, d’une plaie sociale ou d’une tragédie. Cette façon de décrire l’autisme se reflète sur les personnes autistes elles-mêmes. Elle est dommageable pour l’estime de soi, surtout pour les enfants qui souvent ne comprennent pas bien, et favorise la discrimination.
- Nous reconnaissons que, comme toute personne humaine, chaque personne autiste possède un potentiel, des dons, des aptitudes, des qualités, etc., tout autant que des limites, des faiblesses, des défauts, des défis à affronter, etc. Les personnes autistes sont autant diverses entre elles que le sont les personnes non autistes.
- L’autisme est une caractéristique humaine qui peut, ou non, être accompagnée de dysfonctionnements. En soi, l’autisme n’est pas une maladie. Pour ces raisons, le vocabulaire de la pathologie est à éviter, y compris le mot « trouble ».
- L’autisme fait partie intégrante de la personne. Ce n’est pas un accessoire. Une personne autiste n’est donc pas « avec autisme ». À noter que cette formulation est un anglicisme.
- Des expressions comme « une personne TSA » sont incorrectes du point de vue de la langue : dire « un TSA » en parlant d’une personne autiste, c’est comme dire « un trouble »; « une personne TSA » signifie « une personne trouble » et « personne avec TSA » signifie « personne avec trouble ». Le respect de la dignité des personnes, ainsi que le respect de la langue et de la grammaire, justifient ces recommandations.
- Les « niveaux » d’autisme favorisent la discrimination. Il est préférable de parler des capacités, dons et talents de la personne, ainsi que de ses défis et difficultés.
Guide proposé par Marie Lauzon, Lucila Guerrero et Antoine Ouellette pour Aut’Créatifs, un mouvement de personnes autistes pour la reconnaissance positive de l’esprit autistique.
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