Communiqué

Le chaos du diagnostic en autisme

Communiqué officiel

Diffusion immédiate

26 mars 2020

Le chaos du diagnostic en autisme

Le 21 août 2019, le Dr Laurent Mottron et quatre co-chercheurs publiaient une méta-analyse1 concluant qu’au fil du temps, la différence entre les personnes ayant un diagnostic d’autisme et les personnes n’en ayant pas était devenue de moins en moins marquée. De plus en plus de personnes autistes ressembleraient de plus en plus aux personnes non-autistes. Cette étude avait créé une véritable onde de choc. Le 28 février 2020, Josef Schovanec allait dans le même sens dans une entrevue publiée sur Handicap.fr2. En conséquence, des gens ont lancé une sorte de « chasse aux faux autistes ».

Cela a causé beaucoup de désarroi. Dans ce contexte, Aut’Créatifs a tenté de répondre à des questionnements. Aut’Créatifs a aussi dû intervenir auprès de ses membres, car certains commençaient à douter d’être un « vrai autiste », une « vraie autiste ». Aut’Créatifs a dû redire que pour être membre, il faut avoir obtenu un diagnostic d’autisme posé par un professionnel autorisé et qu’autrement, il ne nous appartenait pas de dire si telle personne est ou non véritablement autiste. Il n’appartient pas davantage à Aut’Créatifs de juger publiquement de la compétence ou de la complaisance de tel ou tel spécialiste autorisé à poser un diagnostic. Nous pouvons discuter des idées circulant au sujet de l’autisme, mais le reste est la compétence d’ordres professionnels.

Par ailleurs, une autre tendance veut que le nombre de personnes autistes, loin d’être surestimé, soit au contraire largement sous-estimé. Les résultats d’une gigantesque étude menée en Corée publiés en 2011 indiquent que, sur la base des tests standards, près de 3 % de la population pourrait être diagnostiqué autiste3. Il y aurait presque autant d’autistes non diagnostiqués que d’autistes qui le sont!

Dès sa création, Aut’Créatifs s’est opposé à la description médicale de l’autisme proposée, ou imposée, par le DSM et qui a été reprise par d’autres classifications telle la CIM (Classification internationale des maladies). Par exemple, Aut’Créatifs a rédigé un Tableau terminologique en autisme qui ne reprend ni ne recommande les termes et concepts du DSM4.

Pour résumer, le DSM donne de l’autisme une définition strictement comportementale. Qui répond aux critères de l’autisme ? Un ensemble hétérogène de personnes présentant plus ou moins certains traits comportementaux et selon trois « niveaux », cela sans la moindre considération pour la ou les causes de ces comportements. Or, aucun de ces traits comportementaux n’est exclusif ou spécifique à l’autisme. Aucun, insistons-nous. Scientifiquement parlant, cette définition est molle, c’est-à-dire qu’elle « n’est pas objectivement quantifiable avec exactitude »5. Les critères de l’autisme et les tests de diagnostic héritent de cette mollesse. Comme on ne peut en connaître ni la fiabilité ni la marge d’erreur, une part significative est laissée à l’interprétation de qui fait passer l’évaluation. Une même personne peut alors recevoir un diagnostic d’autisme auprès de tel professionnel, mais ne pas le recevoir de tel autre professionnel. De plus, le fait qu’il existe des écoles de pensée divergentes au sujet de l’autisme chez les professionnels ne favorise guère la clarté pour qui reçoit ce diagnostic et désire mieux le comprendre.

Il est su que sur la base des critères et des tests officiels, des personnes ayant de nombreuses conditions autres que l’autisme reçoivent néanmoins un diagnostic d’autisme. Pourtant, des tests génétiques existent qui pourraient diagnostiquer bon nombre de ces autres conditions. Pourquoi est-ce ainsi? Par erreur; par refus de mener la démarche jusqu’au bout; pour économiser de l’argent (ces tests ayant un coût); parce qu’un diagnostic d’autisme ouvre la porte, lui, aux services dont la personne et sa famille ont vraiment besoin6, etc.

Pour cette raison, Aut’Créatifs recommande que les services aux personnes doivent être offerts sur la base des besoins réels et concrets que manifeste la personne, plutôt que sur la base d’un simple diagnostic qui est réduit à une case à remplir, ou à cocher, sur un formulaire…

Aut’Créatifs déplore que l’autisme devienne peu à peu une coquille vide, un mot ne signifiant plus rien. Des gens parlent d’autisme, mais sans parler de la même chose! Les victimes de ce marasme sont très nombreuses, alors que perdurent de la stigmatisation et de l’exclusion. C’est comme si la connaissance fine de l’autisme n’avait pas évoluée depuis plusieurs années ou que, pire encore, l’autisme était devenu une sorte d’auberge espagnole. Or il est impossible de faire de la recherche en autisme sans une définition rigoureuse de l’autisme.

Bien malgré lui, Aut’Créatifs se retrouve entre deux chaises. D’un côté, nous devons exiger une « preuve d’autisme » de la part de qui désire devenir membre; d’un autre côté, nous sommes conscients des failles importantes de la définition de l’autisme et des critères actuels, cela alors que nous militons pour une reconnaissance positive de l’autisme. Mais qu’y pouvons-nous? Légalement, seuls les spécialistes dûment autorisés à le faire peuvent poser un diagnostic d’autisme. À travers leur pratique clinique et les outils qu’ils développent, les spécialistes définissent l’autisme.

C’est pourquoi nous nous adressons aux spécialistes de l’autisme. Nous faisons appel à leur sens des responsabilités. Spécialistes et cliniciens, nous vous exhortons à vous entendre enfin entre vous! À vous entendre… :

Il serait temps de rendre des comptes. Nous comprenons mal qu’avec les sommes colossales d’argent consacrées depuis si longtemps à la recherche en autisme, nous devions faire de telles réclamations. La rengaine du « on y travaille » ne suffit plus.

  1. Sur une définition rigoureuse de ce qu’est l’autisme – une définition considérant la/les cause(s) et qui aille au-delà des seuls comportements;
  2. Sur des critères plus précis, spécifiques et stricts de l’autisme — des critères qui aussi excluent des conditions autres;
  3. Sur la confection de tests plus précis, spécifiques et stricts — des tests qui, à leur tour, excluent des conditions autres.

Pour le conseil d’administration d’Aut’Créatifs

Mathieu Giroux

Lucila Guerrero

Lucie Latour

Antoine Ouellette

1Rødgaard E, Jensen K, Vergnes J, Soulières I, Mottron L. Temporal Changes in Effect Sizes of Studies Comparing Individuals With and Without Autism: A Meta-analysis. JAMA Psychiatry. 2019;76(11):1124–1132. doi:10.1001/jamapsychiatry.2019.1956

2Handicap.fr, Shovanec : « Autisme adulte, trop de diagnostic abusif », https://informations.handicap.fr/a-schovanec-autisme-adulte-diagnostics-abusifs-12649.php, consulté le 17 mars 2020,

3https://kimleventhallab.ucsf.edu/sites/kimleventhallab.ucsf.edu/files/Prevalence.pdf

4https://autcreatifs.com/2014/12/19/raconter-lautisme-autrement/

5 https://fr.wiktionary.org/wiki/science_molle

6Par exemple : https://www.journaldequebec.com/2019/10/21/de-faux-diagnostics-pour-obtenir-des-services

Une réflexion sur “Le chaos du diagnostic en autisme”

  1.  »Il serait temps de rendre des comptes. »… tordant !!! Les spécialistes ont-ils des comptes à rendre à votre groupe ???

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