Communiqué

Quand la sélectivité dicte les interventions en autisme!

Communiqué officiel

Diffusion immédiate

16 mars 2021

Quand la sélectivité dicte les interventions en autisme!

Le 2 mars dernier, le journal Actualité de l’UQAM annonçait le nouveau programme DESS en intervention comportementale auprès des personnes présentant un trouble du spectre de l’autisme.1 Ce programme est fondé sur l’intervention comportementale intensive et « vise à enseigner les comportements socialement acceptables, à réduire les comportements problématiques et à bonifier la qualité de vie par le développement des habiletés sociales et scolaires, de motricité, de langage, de jeu et d’autonomie. »2 Selon le communiqué, «toutes les études récentes démontrent que cette approche donne les meilleurs résultats pour le développement de l’enfant».

Or, non, «toutes» les études ne font pas cette démonstration. En fait, selon bon nombre d’études, plusieurs recherches prétendant démontrer le succès de l’intervention comportementale intensive (ICI ou ABA en anglais) révèlent des lacunes méthodologiques. La qualité des démonstrations est souvent faible; les effets néfastes ne sont pas signalés et les effets à long terme demeurent inconnus.

La qualité des démonstrations de l’efficacité et les effets à long terme

En 2019, un rapport du comité de la défense des États-Unis démontrait qu’après un an de ICI, avec un échantillon de 16 111 participants, 76% de ces derniers n’avaient pas présentés de changements significatifs, et 9% avait connu une dégradation.3

En 2020, le rapport4 mentionnait que les analyses avaient été faites pour des interventions d’une durée de 12 ou 18 mois. Les résultats semblaient démontrer une amélioration chez des participants. Or, comme il n’y avait eu aucun groupe de contrôle, il est impossible de déterminer la cause de cette amélioration, qu’elle soit en lien avec ICI, d’autres services ou simplement la maturation. De plus, malgré une amélioration, celle-ci ne serait pas significative.

Par contre, le rapport démontrait qu’il n’y a aucun lien entre le nombre d’heure d’intervention par semaine et l’amélioration chez les participants. Cela suggère que les petites modifications, chez les participants, ne sont pas reliées à ICI. L’absence de lien entre le nombre d’heure et l’efficacité de l’intervention est aussi confirmée par Sandank et al. (2020)

Une revue réalisée en 2018 (Reichow et al.) à partir de 5 recherches pour 219 participants avec une période d’intervention de 24 à 36 mois, concluait que les évidences d’amélioration étaient faibles pour les participants au niveau de l’intelligence, des comportements adaptatifs et du langage, alors que les interventions ne donnaient aucune différence notable pour les symptômes autistiques et les comportements problématiques. Les auteurs concluaient aussi que, selon le système GRADE, la qualité des évidences allait de faible à très faible, notamment parce que 4 des 5 recherches avaient été menées sans assignation randomisée ni groupe de contrôle, chose qui est pourtant le « gold standard » en recherche. Ceci confirme les résultats de l’expérimentation institutionnelle de l’ICI menée en France en 20185, qui incluait 578 enfants sur une durée de 5 ans, et qui a eu un taux de succès de 3%.

En 2020, la méta-analyse de Rodger et al, confirme que les preuves de l’efficacité de l’ICI sont limitées et que les effets à long termes restent inconnus. Les auteurs recommandent même de ne pas choisir l’ICI étant donné ses coûts économiques importants par rapport à ses faibles résultats.

Les effets à long terme

Selon Fuld (2018), sur 456 études prétendant démontrer l’efficacité de l’ICI auprès des enfants autistes, une seule semble avoir étudié l’impact sur la santé mentale.

Shkedy et al (2019) ont étudié les comportements d’automutilation en lien avec les interventions comportementales. Pour les personnes autistes, ils rapportent que les enfants autistes ayant des comportements d’automutilation sont souvent ignorés, forcés à faire une activité qu’ils ne comprennent pas ou ne peuvent réussir, punis avec des techniques d’entraînement animalier comme les chocs électriques ou l’arrosage avec de l’eau, contraints de porter des casques, soumis à la contention, laissés dans une chambre d’isolement, etc. Ignorer, invalider, punir des comportements et ne pas prendre au sérieux les besoins des enfants autistes sont des réponses régulières et quelquefois même recommandées pour les comportements d’automutilation, alors que cela est lié directement au risque de développer un trouble de personnalité limite. De telles réponses aux comportements d’automutilation sont incompatibles avec toutes les connaissances actuelles sur les moyens d’intervention pour l’automutilation.

Sandoval-Norton et al (2019) observent diverses conséquences négatives de l’ICI : conformité, impuissance acquise, obsession de la nourriture ou des récompenses, risque d’abus sexuel et physique amplifié, faible estime de soi, diminution des motivations intrinsèques, perte de confiance, diminution des compétences interpersonnelles, anxiété, diminution de l’autonomie et dépendance à l’égard des adultes.

Kurpfenstein (2018), avec 243 participants, a démontré que presque 50% des personnes autistes ayant reçu de l’ICI rencontraient les critères du syndrome de stress post-traumatique et que, pour presque la moitié d’entre eux, la sévérité était extrême. Tout âges confondus, les personnes autistes ayant eu de l’ICI avaient 86% (41% chez les adultes, 130% chez les enfants) plus de chance d’avoir un syndrome de stress post-traumatique que les personnes autistes n’ayant pas eu de l’ICI.

Finalement, selon McGill et Robinsson (2020), une étude avec 10 personnes autistes, ICI aurait eu des impacts négatifs sur leur identité, leur santé mentale ainsi que leur estime de soi.

En conclusion, contrairement aux affirmations citées au début de ce communiqué, les méta-analyses et les revues systématiques sont loin de démontrer que «cette approche donne les meilleurs résultats pour le développement de l’enfant». Il n’existe pas de preuves claires de cette prétendue efficacité. De plus, en considérant les effets à long terme, il est difficile de maintenir que les effets sont nécessairement bénéfiques pour la personne autiste. Comment alors affirmer que l’ICI «augmente la qualité de vie des personnes autistes»?

Le désir et la volonté d’améliorer le bien-être des personnes autistes, à l’origine de plusieurs interventions, est incontestable. Par contre, l’ICI n’arrive toujours pas à démontrer qu’elle permet de répondre à ce souhait, en dépit des sommes colossales d’argent investies en elle.

Selon nous, il est nécessaire de voir pour quelles raisons au juste l’ICI est utilisée. Penser «corriger» des comportements jugés «inadéquats» ou «anormaux» sans chercher à comprendre leurs origines, penser qu’avec ces «corrections» la personne sera mieux acceptée et trouvera plus facilement sa place dans la société est une illusion que l’expérience dément.  Alors, que plutôt de s’acharner à changer nos agissements, à nous faire croire que nous sommes «défectueux»,  pourquoi ne pas partir de notre nature, la reconnaissance de nos forces et de nos besoins véritables?

– 30 –

Pour le conseil d’administration

Mathieu Giroux, Lucila Guerrerro, Antoine Ouellette, Mariam Tounkara

Informations : autcreatifs@gmail.com

C.C: Actualité UQAM – service des communications de l’UQAM

Références:

Bottema‐Beutel, K., Crowley, S., Sandbank, M. and Woynaroski, T.G. (2021), Research Review: Conflicts of Interest (COIs) in autism early intervention research – a meta‐analysis of COI influences on intervention effects. J. Child Psychol. Psychiatr., 62: 5-15. https://doi.org/10.1111/jcpp.13249

Fuld, S. (2018). Autism Spectrum Disorder: The Impact of Stressful and Traumatic Life Events and Implications for Clinical Practice. Clinical Social Work Journal, 46(3), 210–219. doi:10.1007/s10615-018-0649-6 

Kupferstein, H. (2018). Evidence of increased PTSD symptoms in autistics exposed to applied behavior analysis. Advances in Autism, 4(1), 19–29. doi:10.1108/aia-08-2017-0016 

Reichow B, Hume K, Barton EE, Boyd BA. Early intensive behavioral intervention (EIBI) for young children with autism spectrum disorders (ASD). Cochrane Database of Systematic Reviews 2018, Issue 5. Art. No.: CD009260. DOI: 10.1002/14651858.CD009260.pub3

Rodgers, M., Marshall, D., Simmonds, M., Le Couteur, A., Biswas, M., Wright, K., Rai, D., Palmer, S., Stewart, L., & Hodgson, R. (2020). Interventions based on early intensive applied behaviour analysis for autistic children: a systematic review and cost-effectiveness analysis. Health technology assessment (Winchester, England), 24(35), 1–306. https://doi.org/10.3310/hta24350

Sandbank M, Bottema-Beutel K, Woynaroski T. Intervention Recommendations for Children With Autism in Light of a Changing Evidence Base. JAMA Pediatr. Published online November 09, 2020. doi:10.1001/jamapediatrics.2020.4730

Aileen Herlinda Sandoval-Norton & Gary Shkedy | Jacqueline Ann Rushby (Reviewing editor) (2019) How much compliance is too much compliance: Is long-term ABA therapy abuse?, Cogent Psychology, 6:1, DOI: 10.1080/23311908.2019.1641258

Gary Shkedy, Dalia Shkedy & Aileen H. Sandoval-Norton | Luca Cerniglia (Reviewing editor) (2019) Treating self-injurious behaviors in autism spectrum disorder, Cogent Psychology, 6:1, DOI: 10.1080/23311908.2019.1682766

McGill, O., & Robinson, A. (2020). “Recalling hidden harms” : Autistic experiences of childhood applied behavioural analysis (ABA). Advances in Autism, ahead-of-print(ahead-of-print). https://doi.org/10.1108/AIA-04-2020-0025

1Ducharme, J-F, Intervenir auprès des personnes autistes, Actualité UQAM, https://www.actualites.uqam.ca/2021/dess-intervention-comportementale-trouble-spectre-autisme?fbclid=IwAR1wQB3_T9LdIZBonQGHBhi_CGwGfl9oGvomMCPYSUzq2MaaLtttXXYp5nw, consulté le 8 mars 2021.

2Idem.

3Stewart, N. James, The Department of Defense Comprehensive Autism Care Demonstration Quarterly Report to Congress Second Quarter, Fiscal Year 2019, https://www.altteaching.org/wp-content/uploads/2019/11/TRICARE-Autism-Report.pdf?x78693, consulté le 8 mars 2021.

4Donnovan, M. P., The Department of Defense Comprehensive Autism Care DemonstrationAnnual Report2020, https://altteaching.org/wp-content/uploads/2020/10/Annual-Report-on-Autism-Care-June-2020.pdf?x78693, consulté le 8 mars 2021,

5Cekoïa Conseil. Planète publique. Evaluation nationale des structures expérimentales Autisme. CNSA. Rapport final. Février 2015, p. 34. Pour une analyse détaillée de ce rapport, cf Maleval J-C. Grollier M. L’expérimentation institutionnelle d’ABA en France : une sévère désillusion. Lacan Quotidien n° 568 et 569. Février-Mars 2016

Uncategorized

Notre Richesse, livre collectif

Coralie Adato. Stephan Blackburn. Iman Chaïr. Valérie Cloutier-Cadieux. Luka Cruz-Guerrero. Marie De Lannoy. Mathieu Giroux. Lucila Guerrero. Murielle Kirkove. Sandrine Lebrun. Maxime Lefrançois. Mady Art. Antoine Ouellette. Valérie Picotte. Élise Pilote. Pipoye. Eric Vigier.

Préface par Isabelle Courcy

Prix 20 CAD + 7$ livraison au Québec ou + 22CAD livraison internationale
Interac: autcreatifs@gmail.com / réponse: richesse
Paypal: https://www.paypal.me/autcreatifs 
Envoyer un courriel avec l’adresse d’expédition à autcreatifs@gmail.com

Version numérique: 10 CAD
Un lien sera envoyé par courriel dans les 24 heures suivantes.

Titre : Notre richesse.
Édition : Aut’Créatifs.
Comité éditorial : Stephan Blackburn. Mathieu Giroux. Lucila Guerrero. Lucie Latour. Antoine Ouellette.
ISBN Papier : 978-2-9818841-1-4
ISBN PDF : 978-2-9818841-0-7
Dépôt légal – Bibliothèque et archives nationales du Québec, 2020
© Aut’Créatifs, 2020. Tous droits réservés.

« Et si nous pouvions faire différemment ? »
C’est le défi lancé par ce livre écrit par des personnes autistes. Au moyen de diverses formes d’expression, elles proposent ici de réfléchir à la richesse de la personne autiste en tant qu’être humain. Elles invitent à regarder en premier les forces de chacune, afin de favoriser le dialogue vers l’acceptation et la reconnaissance positive de la condition autistique.

Puisque dans toute relation humaine l’écoute est primordiale, cette prise de parole voudrait créer des ponts et enlever des barrières. Du coup, elle désire contribuer à la diminution de la stigmatisation et des préjugés, souvent à l’origine de réalités telles que l’isolement social et la discrimination.

Pour lire un extrait et commander la version numérique

Communiqué, Opinion membre

Raconter l’autisme autrement

English  Español

RACONTER L’AUTISME AUTREMENT

Recommandations pour la terminologie de l’autisme dans les médias

Version PDF: Raconter l’autisme autrement Janvier 2015

Les connaissances sur l’autisme sont en pleine évolution. Malgré cela, une grande partie de la population ignore encore ce que signifie réellement être autiste, et les idées inexactes provenant de mythes populaires sont très répandues. Comme conséquence de cette désinformation, la terminologie qui fait référence à la condition autistique et aux personnes autistes est très variable. Souvent, elle prend une forme respectueuse, mais, sous d’autres formes, elle peut être dévalorisante.

Ce document se veut un guide s’adressant à toute personne qui travaille dans le domaine des communications. Selon les principes de la non-discrimination et du droit à une information juste, l’utilisation d’un langage adéquat est à recommander.

Ces propositions ont reçu l’appui du Docteur Laurent Mottron. Nous le remercions de son soutien.
Dr Laurent Mottron,
 M.D., Ph.D., DEA, est chercheur à l’Hôpital Rivières-des-Prairies et au Centre de recherche de l’Institut universitaire en santé mentale de Montréal, et professeur titulaire au Département de psychiatrie de l’Université de Montréal. Il se spécialise dans la recherche sur l’autisme. 

Terminologie recommandée

Terminologie à éviter

De façon générale

– Condition
– Autisme/condition autistique
– Autiste/non autiste
– Variation neurodéveloppementale
– Variante neurologique

De façon générale

– Trouble, maladie, affection, pathologie
– Trouble du spectre autistique (TSA)
– Anormal/normal
– Trouble envahissant du développement
– Désordre, déficience neurologique

À propos de la personne

– Autiste
– Personne autiste
– Personne de nature (ou à l’esprit) autistique
– S’identifier en tant qu’autiste/être autiste
– Décrire les capacités, talents et aptitudes de la personne; en contexte : personne autonome/non autonome

À propos de la personne

– Personne atteinte d’autisme/souffrant d’autisme
– Personne avec autisme/en situation d’autisme
– Personne avec TSA/personne TSA/un(e) TSA
– Admettre/avouer être autiste
– Autiste de haut/de bas niveau (de fonctionnement)

Description

– Condition
– Caractéristique, particularité, trait
– Neurologie et sensibilités sensorielles différentes
– Différence
– Intérêt particulier, intelligence focalisée, passion
– Rituels, gestes
– Apprentissage non conventionnel
– Sens de l’humour propre à sa structure de pensée
– Variante du ressenti et de l’expression de l’empathie
– Fonctionnement autistique

Description

– Trouble
– Déficience, incapacité, déficit
– Lésions
– Anomalie
– Obsession, intérêts restreints
– Tics, manies
– Résistance aux méthodes d’enseignement
– Ne sourit pas/n’a pas le sens de l’humour
– Manque d’empathie
– Fonctionnement anormal

Pour contribuer à briser les mythes, voici quelques pistes utiles :

– Éviter de généraliser. Faire référence à la diversité des personnes autistes et à la neurodiversité humaine.

– Éviter d’utiliser le mot « autiste » pour décrire les attitudes publiques de manque de communication, ou comme un adjectif dont le but est la critique négative ou l’insulte.

Par exemple : « L’autisme des journalistes de Radio Canada », Dreuz Info, 16 novembre 2014

– Éviter de faire des comparaisons du type « Rain Man » et d’exagérer l’intelligence et les talents des autistes.

– Éviter de décrire la personne autiste comme étant plongée dans un isolement volontaire.

– Éviter de culpabiliser les parents, la société ou l’environnement.

– Éviter de parler de l’autisme comme d’une épidémie, d’une plaie sociale ou d’une tragédie. Cette façon de décrire l’autisme se reflète sur les personnes autistes elles-mêmes. Elle est dommageable pour l’estime de soi, surtout pour les enfants qui souvent ne comprennent pas bien, et favorise la discrimination.

– Nous reconnaissons que, comme toute personne humaine, chaque personne autiste possède un potentiel, des dons, des aptitudes, des qualités, etc., tout autant que des limites, des faiblesses, des défauts, des défis à affronter, etc. Les personnes autistes sont autant diverses entre elles que le sont les personnes non autistes.

– L’autisme est une caractéristique humaine qui peut, ou non, être accompagnée de dysfonctionnements. En soi, l’autisme n’est pas une maladie. Pour ces raisons, le vocabulaire de la pathologie est à éviter, y compris le mot « trouble ».

– L’autisme fait partie intégrante de la personne. Ce n’est pas un accessoire. Une personne autiste n’est donc pas « avec autisme ». À noter que cette formulation est un anglicisme.

– Des expressions comme « une personne TSA » sont incorrectes du point de vue de la langue : dire « un TSA » en parlant d’une personne autiste, c’est comme dire « un trouble »; « une personne TSA » signifie « une personne trouble » et « personne avec TSA » signifie « personne avec trouble ». Le respect de la dignité des personnes, ainsi que le respect de la langue et de la grammaire, justifient ces recommandations.

Les « niveaux » d’autisme favorisent la discrimination. Il est préférable de parler des capacités, dons et talents de la personne, ainsi que de ses défis et difficultés.

Guide proposé par Marie Lauzon, Lucila Guerrero et Antoine Ouellette pour Aut’Créatifs, un mouvement de personnes autistes pour la reconnaissance positive de l’esprit autistique.

Communiqué

Le chaos du diagnostic en autisme

Communiqué officiel

Diffusion immédiate

26 mars 2020

Le chaos du diagnostic en autisme

Le 21 août 2019, le Dr Laurent Mottron et quatre co-chercheurs publiaient une méta-analyse1 concluant qu’au fil du temps, la différence entre les personnes ayant un diagnostic d’autisme et les personnes n’en ayant pas était devenue de moins en moins marquée. De plus en plus de personnes autistes ressembleraient de plus en plus aux personnes non-autistes. Cette étude avait créé une véritable onde de choc. Le 28 février 2020, Josef Schovanec allait dans le même sens dans une entrevue publiée sur Handicap.fr2. En conséquence, des gens ont lancé une sorte de « chasse aux faux autistes ».

Cela a causé beaucoup de désarroi. Dans ce contexte, Aut’Créatifs a tenté de répondre à des questionnements. Aut’Créatifs a aussi dû intervenir auprès de ses membres, car certains commençaient à douter d’être un « vrai autiste », une « vraie autiste ». Aut’Créatifs a dû redire que pour être membre, il faut avoir obtenu un diagnostic d’autisme posé par un professionnel autorisé et qu’autrement, il ne nous appartenait pas de dire si telle personne est ou non véritablement autiste. Il n’appartient pas davantage à Aut’Créatifs de juger publiquement de la compétence ou de la complaisance de tel ou tel spécialiste autorisé à poser un diagnostic. Nous pouvons discuter des idées circulant au sujet de l’autisme, mais le reste est la compétence d’ordres professionnels.

Par ailleurs, une autre tendance veut que le nombre de personnes autistes, loin d’être surestimé, soit au contraire largement sous-estimé. Les résultats d’une gigantesque étude menée en Corée publiés en 2011 indiquent que, sur la base des tests standards, près de 3 % de la population pourrait être diagnostiqué autiste3. Il y aurait presque autant d’autistes non diagnostiqués que d’autistes qui le sont!

Dès sa création, Aut’Créatifs s’est opposé à la description médicale de l’autisme proposée, ou imposée, par le DSM et qui a été reprise par d’autres classifications telle la CIM (Classification internationale des maladies). Par exemple, Aut’Créatifs a rédigé un Tableau terminologique en autisme qui ne reprend ni ne recommande les termes et concepts du DSM4.

Pour résumer, le DSM donne de l’autisme une définition strictement comportementale. Qui répond aux critères de l’autisme ? Un ensemble hétérogène de personnes présentant plus ou moins certains traits comportementaux et selon trois « niveaux », cela sans la moindre considération pour la ou les causes de ces comportements. Or, aucun de ces traits comportementaux n’est exclusif ou spécifique à l’autisme. Aucun, insistons-nous. Scientifiquement parlant, cette définition est molle, c’est-à-dire qu’elle « n’est pas objectivement quantifiable avec exactitude »5. Les critères de l’autisme et les tests de diagnostic héritent de cette mollesse. Comme on ne peut en connaître ni la fiabilité ni la marge d’erreur, une part significative est laissée à l’interprétation de qui fait passer l’évaluation. Une même personne peut alors recevoir un diagnostic d’autisme auprès de tel professionnel, mais ne pas le recevoir de tel autre professionnel. De plus, le fait qu’il existe des écoles de pensée divergentes au sujet de l’autisme chez les professionnels ne favorise guère la clarté pour qui reçoit ce diagnostic et désire mieux le comprendre.

Il est su que sur la base des critères et des tests officiels, des personnes ayant de nombreuses conditions autres que l’autisme reçoivent néanmoins un diagnostic d’autisme. Pourtant, des tests génétiques existent qui pourraient diagnostiquer bon nombre de ces autres conditions. Pourquoi est-ce ainsi? Par erreur; par refus de mener la démarche jusqu’au bout; pour économiser de l’argent (ces tests ayant un coût); parce qu’un diagnostic d’autisme ouvre la porte, lui, aux services dont la personne et sa famille ont vraiment besoin6, etc.

Pour cette raison, Aut’Créatifs recommande que les services aux personnes doivent être offerts sur la base des besoins réels et concrets que manifeste la personne, plutôt que sur la base d’un simple diagnostic qui est réduit à une case à remplir, ou à cocher, sur un formulaire…

Aut’Créatifs déplore que l’autisme devienne peu à peu une coquille vide, un mot ne signifiant plus rien. Des gens parlent d’autisme, mais sans parler de la même chose! Les victimes de ce marasme sont très nombreuses, alors que perdurent de la stigmatisation et de l’exclusion. C’est comme si la connaissance fine de l’autisme n’avait pas évoluée depuis plusieurs années ou que, pire encore, l’autisme était devenu une sorte d’auberge espagnole. Or il est impossible de faire de la recherche en autisme sans une définition rigoureuse de l’autisme.

Bien malgré lui, Aut’Créatifs se retrouve entre deux chaises. D’un côté, nous devons exiger une « preuve d’autisme » de la part de qui désire devenir membre; d’un autre côté, nous sommes conscients des failles importantes de la définition de l’autisme et des critères actuels, cela alors que nous militons pour une reconnaissance positive de l’autisme. Mais qu’y pouvons-nous? Légalement, seuls les spécialistes dûment autorisés à le faire peuvent poser un diagnostic d’autisme. À travers leur pratique clinique et les outils qu’ils développent, les spécialistes définissent l’autisme.

C’est pourquoi nous nous adressons aux spécialistes de l’autisme. Nous faisons appel à leur sens des responsabilités. Spécialistes et cliniciens, nous vous exhortons à vous entendre enfin entre vous! À vous entendre… :

Il serait temps de rendre des comptes. Nous comprenons mal qu’avec les sommes colossales d’argent consacrées depuis si longtemps à la recherche en autisme, nous devions faire de telles réclamations. La rengaine du « on y travaille » ne suffit plus.

  1. Sur une définition rigoureuse de ce qu’est l’autisme – une définition considérant la/les cause(s) et qui aille au-delà des seuls comportements;
  2. Sur des critères plus précis, spécifiques et stricts de l’autisme — des critères qui aussi excluent des conditions autres;
  3. Sur la confection de tests plus précis, spécifiques et stricts — des tests qui, à leur tour, excluent des conditions autres.

Pour le conseil d’administration d’Aut’Créatifs

Mathieu Giroux

Lucila Guerrero

Lucie Latour

Antoine Ouellette

1Rødgaard E, Jensen K, Vergnes J, Soulières I, Mottron L. Temporal Changes in Effect Sizes of Studies Comparing Individuals With and Without Autism: A Meta-analysis. JAMA Psychiatry. 2019;76(11):1124–1132. doi:10.1001/jamapsychiatry.2019.1956

2Handicap.fr, Shovanec : « Autisme adulte, trop de diagnostic abusif », https://informations.handicap.fr/a-schovanec-autisme-adulte-diagnostics-abusifs-12649.php, consulté le 17 mars 2020,

3https://kimleventhallab.ucsf.edu/sites/kimleventhallab.ucsf.edu/files/Prevalence.pdf

4https://autcreatifs.com/2014/12/19/raconter-lautisme-autrement/

5 https://fr.wiktionary.org/wiki/science_molle

6Par exemple : https://www.journaldequebec.com/2019/10/21/de-faux-diagnostics-pour-obtenir-des-services